La Sainte folie du Couple
(Albin Michel)
Extraits de l’Introduction
« Le couple ne peut rester vivant que dans la mesure où deux êtres évoluent vers eux-mêmes. Ce n’est pas l’autre qu’il faut vouloir changer dans le couple, c’est soi-même. […]
Il y a au moins deux manières d’aimer. Un amour en creux qui fait qu’on aime pour revenir à niveau, pour essayer de combler ce manque, ce vide qu’on ressent en soi, et un amour en plein qui apporte un élargissement de l’être[…] Plus je m’ouvre, et plus la vie m’offre de possibles. Il s’agit donc d’apprendre à faire évoluer les choses dans le sens de l’ouverture […]
L’évolution a son parcours […] Je propose de distinguer sept cycles fondamentaux par lesquels nous sommes amenés à passer et repasser, jusqu’au moment où nous savons nous stabiliser dans un état d’ouverture heureuse à l’autre :
- Le premier stade est le stade matriciel [ou fusionnel] du premier couple avec la mère, du premier couple amoureux. Ces états amoureux instinctifs qui répondent oui à la vie enferment l’être dans une bulle bienheureuse mais encore inconsciente d’elle-même, une bulle de dépendance fusionnelle qui ne peut que créer son contraire, une bulle d’indépendance.
- Le deuxième stade est le stade patriarcal [ou de différenciation / distanciation], le stade d’émergence dans le couple du besoin de distance individuelle : mon cercle et ton cercle ne sont plus fusionnels. A la faveur de cette distance nécessaire, la peur de l’autre, gommée dans le premier élan, réapparaît et favorise le rapport de force. Qui domine qui ? Mes besoins vont-ils passer avant tes besoins ou inversement ? Dans la tradition patriarcale, l’homme a été préparé, conditionné à dominer sa femme ;
- Ce déséquilibre s’enkyste en un certain nombre d’années et fait le lit du troisième stade, le stade conflictuel fermé ou ouvert. En fait d’intimité, le couple n’est que lutte : tu es mon ennemi, seule ta défaite me permettra d’exister. Un terrible combat s’engage sur cette illusion. La plupart des couples explosent aujourd’hui à se stade-là.
- Le quatrième stade est celui du couple éclairé qui parvient, en faisant appel à l’intelligence, à prendre un peu de distance dans ce processus passionné et destructeur. Qu’est-ce qui se passe ? A quoi jouons-nous ? Comment sauver notre couple ? Il y a toujours un moment où cette question se pose. C’est un moment important parce que l’être prend conscience qu’il peut ne plus s’identifier avec ses pensées destructrices, qu’il peut observer ses comportements, ses réactions et apprendre à les maîtriser comme on dresse un animal fougueux. Toute la chance d’un être pour sortir des ornières de la peur et de la violence se situe à ce moment-là. En même temps, rien n’est encore gagné. Car il ne va pas suffire de comprendre pour agir et bien des aller et retour, bien des doutes et des espoirs alterneront à ce stade-là.
- […] la plupart des couples vont faire un halte plus ou moins prolongée au cinquième stade [le couple lunaire]. Si l’homme était dominant au deuxième stade, c’est la femme qui va devenir dominante au cinquième stade. Cette inversion des rôles est toujours extrêmement bénéfique pour l’un et pour l’autre, elle fait partie du processus d’évolution. L’homme se féminise [i.e. développe sa part féminine, entre dans l’« être »]. La femme se masculinise [i.e. développe sa part masculine, entre dans le « faire, l’agir » ]
- Au sixième stade, deux êtres sont sur la voie de l’intégration du masculin/féminin de ce paradoxe qui fait que tout en naissant de sexe masculin ou féminin, chacun est amené à expérimenter de l’intérieur l’autre polarité de l’être [c’est le couple d’androgynes]. Le sens intérieur du couple est rejoint à ce moment-là et cette prise de conscience permet aux deux partenaires de se regarder sur deux plans, un plan extérieur plus associatif et un plan intérieur plus « relié », plus spirituel parce que plus complet. L’union amoureuse était instinctive, fusionnelle et toute de fascination. Le mariage patriarcal n’était plus union, mais association et rapport de force. Il faut attendre le sixième stade pour retrouver le mot « union ». Il ne s’agit pas pour autant d’un couple idéal vivant dans des sphères éthérées. Le sixième couple est confronté à la découverte de ses limites dans le jeu dépendance/indépendance, mais il n’est plus guerrier, conflictuel et mortifère.
- Deux êtres humains expérimentent les jeux du faire et le l’être au delà du conflit et de l’antagonisme des sexes. Ces amants-amis se donnent mutuellement de grands champs de liberté. Deux consciences libres choisissent encore et encore de vivre ensemble. [c’est le couple éveillé] »